vendredi 4 mars 2022

Père Eric de Nattes : homélie du mercredi des Cendres 2022

Carême. Mercredi des cendres 2021.

Donner écho à :

1°) Le Prophète Joël : « Déchire ton cœur et non tes vêtements ».

Le vêtement/ le cœur ! Le vêtement : ce qui se voit et que tu choisis, ce qui va être regardé, et puis le cœur : ce qui fait battre la vie qui t’est donnée, qui ne se voit pas mais sans quoi aucun de tes vêtements n’a de signification, ce qui est présent en tous puisque c’est donné à chacun de tes frères. Le Père le donne au prodigue comme à l’aîné. Si l’indignation t’habite légitimement, souviens-toi que celle qui ne te coûte rien, ne vaut pas grand-chose. Alors, l’évangile selon Matthieu nous dit : « entre au plus secret, là où la vie se donne, là où le Père est présent et souffre avec toi de ce qui t’indigne, de voir ses enfants se faire la guerre… là, des chemins qui t’engagent vont s’ouvrir et ton indignation deviendra action pour ton frère. »

Entre dans ton cœur ! C’est le mot biblique. Descends en toi, le plus profondément possible, le plus loin ! En cet instant je pense à Madeleine Delbrêl qui dit : « Si tu vas au bout du monde, tu trouveras la trace de Dieu. Si tu vas au bout de toi, tu trouveras Dieu. » Ou Saint Augustin : « je t’ai cherché au-dehors, tu étais au-dedans. » En descendant bien-sûr, tu trouveras ton cœur déchiré, blessé, envahi aussi d’obscurité. Mais au cœur de ton désir éparpillé, blessé, ou cadenassé par la peur, tu le trouveras LUI ! Il te regarde, Il te cherche, Il t’implore de Lui ouvrir ton cœur : Il n’a que son amour crucifié et renaissant à te proposer. Et Lui sait que ton désir le plus profond, le plus authentique, est d’être aimé et d’aimer, même si tu n’y crois plus en cet instant, même si c’est la fatigue de vivre qui te submerge, ou la peur qui te paralyse.

 2°) Prie, jeûne et fais l’aumône. Dis-le autrement si ces mots ne te vont pas ! S’ils sont recouverts pour toi d’une affreuse patine de « dame patronnesse » qui « se penche » sur la misère du monde. Mais plonge plutôt dans la vérité de ce qu’ils signifient.

Prie : On ne t’invite pas à avoir des pensées sublimes ni à rédiger des poèmes mystiques ! On n’exige pas que tu n’oublies surtout personne dans ton intercession ! On ne te demande pas de te passer au crible de la morale pour voir si tu es en « conformité », tu ne le seras jamais et c’est tant mieux ! On ne te demande pas non plus de réciter et de rabâcher pour être certain que tu « as fait » tes prières ! Prier : un mot étonnant dont le sens vient d’un vieux mot : « precari » qui a donné aussi en français : « précarité ». Prier, reconnaître que la vie t’est donnée, que tu la reçois, et agir en conséquence, cela peut tout renouveler. Celui qui l’a fait et qui est devenu pour nous le Premier-né d’une multitude, c’est précisément Jésus. Celui qui s’est entièrement reçu du Père. Quelle révolution ! Pas la vie à prendre, à conquérir, mais à recevoir. Cela a remué l’humanité !

Jeûne : que serait ton bonheur à toi, sans le bonheur de l’autre ? Que serait une vie qui ne soit pas vraiment vivante, précisément parce qu’elle est partagée ? Pour le dire de manière évangélique, que serait une existence qui n’a pas connu l’amour ? C’est-à-dire la joie de recevoir un don qui n’est pas mérité et qui rend pourtant la vie à sa véritable intensité. Alors ne te dépouille pas pour jouer au pauvre. Ne manque pas pour manquer. Ne fais pas semblant d’être un ascète. Ça n’aurait aucun sens. C’est la joie de l’alliance que tu veux retrouver. Tu veux retrouver la liberté et la richesse sans fond qui sont donnés à un cœur aimé et aimant. Alors jeûne volontiers de tout ce qui t’occupe trop, voire de ce qui est devenu addictif et qui n’est plus qu’un substitut à la joie que tu désires. C’est si triste ! Il t’attend, comme l’eau jaillissante au fond du puits de la Samaritaine. Il est là, dans le secret. Tant que les mains sont pleines et le cœur repus, l’amour ne fait pas sens puisqu’il ne s’achète pas mais s’accueille comme un don. Tant que l’inquiétude ou la tristesse nous habite, que notre cœur est indisponible, tout amour pourrait hurler en nous ou autour de nous, nous ne le verrions même pas, ou pire, nous le trouverions encombrant !

Fais l’aumône : Et d’abord de ta présence, de « qui » tu es, de ta bienveillance, de ton sourire et de ta vie partagée. Tes aigreurs, tes ressentiments, essaie d’en faire le jeûne pour toi-même et pour les autres. Au fond, que ta vie devienne un peu plus celle du Père qui est en toi. Lui ne te donne pas des choses et des trucs qu’Il t’aurait refusé jusqu’à présent, Il « se » donne à toi, éternellement, là où tu es heureux, là où tu souffres, dans ta vie telle qu’elle est. Et Il t’engage à faire de même selon tes forces. La nuit de ton chemin pourra devenir lumière de midi. La joie pourra revenir.

 

Nous allons être marqués des cendres. Ce qui reste quand tout a été consumé. Ce qui marque un nouveau départ, une nouvelle germination, qui enrichit la terre renouvelée.

Quelqu’un va nous redire : « convertis-toi et crois à l’Évangile ». Très belle interpellation d’un frère, ou d’une sœur, qui l’entend pour lui-même, pour elle-même, cette invitation de son Dieu à renaître. Vois ton peuple Seigneur qui veut quitter la terre d’esclavage pour reprendre le chemin du Royaume. « Rends-moi la joie d’être sauvé, que l’Esprit généreux me soutienne ; Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange ! »

mardi 15 février 2022

Père Eric de Nattes : homélie du 6e dimanche du temps ordinaire - année C - 13 février 2022

 Les deux voies : bonheur/malheur

‘’La voie du juste, la voie du méchant dit le psaume ! Une recette du bonheur… ? Dans un cas tu es heureux, dans l’autre, malheureux ! Ce serait un peu facile, et surtout très approximatif. Alors il faut creuser le sillon. Comprendre. Puisqu’on pressent pourtant une vérité dans cette parole qui nous bouscule. ‘’Heureux êtes-vous… mais quel malheur pour vous…’’

Clairement, et nous le voyons dès le psaume 1, l’Écriture évoque, bien des fois, deux horizons dans la vie des hommes. Peut-être se rappeler un des critères que donne le pape François pour le discernement : le temps prévaut sur l’espace. Le temps = la durée, le processus, ce qui s’engendre, ce qui naît et se développe en lien avec d’autres, qui prévaut sur l’espace = ce que je vois et comprends et vis ici et maintenant, mais qui est limité, ce que je perçois dans mon environnement immédiat.

1°) Dans l’un, c’est l’immédiat qui domine, les besoins, les plaisirs, la satisfaction, le contrôle (pour caricaturer : l’ici et maintenant, voire le ‘’tout, tout de suite’’) = un rapport à la vie comme quelque chose dont il faut profiter tant qu’il est encore temps parce qu’il vient, et souvent il est presque déjà là, le temps où l’on ne pourra plus en profiter = tout passe, est éphémère… une ‘’sagesse’’ du Carpe Diem.

2°) L’autre = à vue beaucoup plus longue et qui implique une responsabilité pour l’avenir, vis-à-vis de soi et des autres, et donc d’autres ressources intérieures pour tenir dans le temps présent (ai-je été une ‘’bonne ancêtre’’ se demande une chrétienne d’origine éthiopienne = n’ai-je pas déjà dévoré la part de mes enfants et de mes petits-enfants ?). En vue de ce qui naît, risque de naître, de ce qui est en germe et que je peux si facilement faire mourir. Je ne peux tout contrôler dans ce processus.

Dans la voie première, il s’agit d’être heureux sans que le bonheur ou le malheur de l’autre - présent ou lointain ; ici ou dans l’avenir - soit une inquiétude. Dans la deuxième voie, il s’agit de l’exigence d’un bonheur qui ne puisse se réaliser au détriment de l’autre, du prochain dans le temps ou l’espace, sans son bonheur ou malheur à lui, à elle, que je ne connais peut-être pas et qui n’est même peut-être pas encore né.

Dans la première voie, on pourrait parler de la vie repliée sur soi = ce que St Paul appelle la vie selon ‘’la chair’’, sans autre horizon qu’une vie dont la satisfaction ne dépasse pas un horizon immédiat, sans grande espérance (car si tu as une espérance, alors tu commences à œuvrer pour qu’elle se réalise, sinon, tu vis ce que tu peux, ici et maintenant).‘’Mangeons, buvons et mourons’’, dit encore l’apôtre. La création est ici comme un produit fini qui va se périmer et que je dois consommer avant qu’il soit trop tard. Comme dit le prophète Jérémie : malheureux (maudit) l’homme qui met sa confiance dans un mortel (dans ce qui est mortel), sans se soucier de ce qui vit et ne meurt pas (Dieu).

Dans la seconde voie, c’est la vie ouverte, ou plutôt la vie qui s’ouvre, la vie ‘’selon l’Esprit’’ dira St Paul, celle qui ouvre son horizon dans le temps et l’espace et qui prend conscience de l’interaction de tout et de tous, de la liaison de tout et de tous dans l’espace et dans la durée (‘’un membre s’élève, tout le corps s’élève, un membre s’abaisse, tout le corps s’abaisse’’), sans faire de mon intérêt immédiat le seul critère de discernement et de décision. La création est ici un processus : je suis, tout est ‘’en création’’, elle qui gémit dans les douleurs de l’enfantement, et, si je ne perçois pas clairement ce qui s’accomplit, je crois pourtant que cela s’accomplit et que je peux y contribuer. J’ai une responsabilité. La vie est comme aspirée par ce qui n’est pas encore mais qui vient. Et je peux collaborer à cet avenir. Ou le tuer dans l’œuf.

En Luc, lorsque Jésus descend de la montagne, après une longue prière durant laquelle il se relie au Père, à la source de la Vie, alors, il appelle ses apôtres. On pourrait croire que tous ces gestes de puissance, tous les miracles qu’il réalise et les guérisons qu’il opère, c’est ‘’ça’’ le Royaume de Dieu. Quelque chose d’un peu enfantin, du style du super-héros hollywoodien venu sauver l’humanité sans qu’elle n’ait rien à faire, que de se ‘laisser faire’. La prédication qui vient, et qui s’adresse aux trois cercles : apôtres, disciples et foule - donc à tous - remet, si je puis dire, les pendules à l’heure. ‘Il est de votre responsabilité d’emprunter la voie qui va vers la vie ou vers la mort’. Réfléchissez ! Jésus se relie bien à toute la tradition des Écritures : ‘’choisirez-vous la vie ? Choisirez-vous la mort ?’’

Dans ces choix que nous opérons, consciemment, ou parfois par simple habitude, et qu’il nous faudrait interroger, l’option du croyant, l’espérance du croyant, n’est-elle pas la plus raisonnable ? L’horizon de la vie, cette vie où tout est relié, connecté, où tu ne peux pas faire ton bonheur sans celui des autres - sinon quel malheur pour tous ! - pourquoi l’arrêter, cette vie, avec la mort ? N’est-ce pas la dernière limite, celle de l’ici et maintenant, que la foi nous fait franchir ? La dernière limite de la vie repliée, de ‘’l’à quoi bon’’ puisque tout est mortel, tout passe. Oh, avec humilité et sans triomphalisme ! Mais justement comme une espérance infinie. Folle mais tellement raisonnable. Comme pour ne jamais sombrer dans le désespoir, même quand tout semble aller vers la mort. La vie qui va vers la Vie ! La vie qui se dépouille pour renaître. La vie re-suscitée. St Paul : quel malheur si notre espérance en Christ n’est que pour cette vie-là. Elle l’est, bien sûr, mais la déborde tellement.

Entrer dans cette espérance et agir en conséquence = chemin du juste. Qui écoute la voix de la Vie donnée, et qui se donne en retour ; la Voix du Verbe de Vie qui interpelle : ‘’Heureux es-tu… Mais quel malheur pour vous si… !’’

mardi 8 février 2022

Père Eric de Nattes : homélie du 5e dimanche du temps ordinaire - année C - 5 février 2022 - messe des familles


Appel - Sentiment de la présence de Dieu

1°) Le sentiment de la présence de Dieu

Ça peut paraître étrange. Mais parce que je suis prêtre (on sait je ne répèterai pas ce qu’on me dit et que je ne me moquerai pas) beaucoup de personnes m’ont témoigné avoir vécu un moment, dans leur vie, où elles ont eu le sentiment puissant de la présence de Dieu à leur côté. Et si elles me le disaient, ce n’était pas pour se vanter mais pour partager un bonheur qu’elles ne pouvaient pas communiquer par peur d’être moquées ou mal comprises. Et cette expérience pouvait être très différente : parfois, face à une peur, l’impression tout à coup d’être comme poussé par une force pour aller de l’avant, avancer au large, là où l’on a peur de retourner ou d’aller. Parfois, suite à une immense peine, une impression incroyable de consolation, d’un amour qui vous enveloppe. Parfois un rêve pas comme les autres (ceux que la Bible appelle : un songe), dont on se réveille en paix, en pouvant continuer la route sereinement.

Comme toujours, ce n’est jamais une preuve. Juste un signe que l’un reconnaîtra et pas l’autre. Rappelez-vous : 10 lépreux sont guéris, un seul revient pour louer Dieu. Car aujourd’hui, avec Pierre et sa pêche miraculeuse, on pourrait dire : ‘’quelle merveilleuse coïncidence’’ ! Pierre, lui, voit un lien entre la parole de Jésus et la pêche inimaginable qu’il vient de faire. Qu’est-ce que le sentiment puissant de cette présence si douce (Élie = dans la brise légère), change dans la vie ?

2°) Une présence qui est alors un appel pour vivre :

- Un pécheur purifié, pardonné ! Que ce soit pour Isaïe (Malheur à moi, je suis un homme aux lèvres impures), pour Paul (Moi qui suis un ‘’avorton’’ = un homme chétif, mal fait, parfois monstrueux), et Pierre (éloigne-toi, je suis un homme pécheur), les trois, au moment de cette présence, réalisent l’abîme entre Dieu et eux. Ils ont peur d’une telle rencontre. Ils n’en sont pas dignes. Et pour les trois, le message est celui du pardon, de la purification, pour chasser la peur. L’homme se connaît tel qu’il est : si faible, si peureux, pécheur, et pourtant, à ce point aimé qu’il découvre en lui la force d’aller de l’avant, car cet amour renouvelle tout ce qu’il est.

- Qui je suis et qui est Dieu s’en trouvent vraiment renouvelés. Comme dans une vraie rencontre, les identités changent, s’enrichissent : Simon devient Pierre, et Jésus, qui encore un Maître, un rabbi, aux yeux de Simon, devient alors ‘’Seigneur’’. Une rencontre nous change. Sinon c’est simplement une ‘’connaissance’’ comme on dit très justement, ça reste un peu extérieur à nous. La rencontre, c’est ce qui nous pénètre, et nous fait nous connaître, et nous renouvelle.

- La force de la parole dans chacune des rencontres : elle qui purifie, elle qui nous fait engager encore nos actions alors que c’était l’échec, elle qui nous fait apôtre, nous les avortons. Elle qui nous fait avancer au loin.

- Rencontre, vie renouvelée = appel à une nouveauté. Cela ne veut pas forcément dire que l’on va partir dans un nouveau métier, une nouvelle mission. Cela peut déjà vouloir dire que tout ce qui est vécu est renouvelé. Un peu comme quelqu’un qui tombe amoureux voit désormais la vie, ses relations, son activité d’une manière nouvelle, à travers le filtre amoureux de son regard. Pour certains, ce sera un changement complet de vie. Un appel à une nouveauté radicale. Pour d’autres, un engagement désormais dans une action nouvelle. Pour d’autres, ce changement intérieur qu’on ne voit pas de l’extérieur mais qui a tout renouvelé de l’intérieur.

Seigneur, sur ta parole, une fois encore, je vais lancer mes filets.



vendredi 4 février 2022

Père Eric de Nattes : homélie de la Fête de Présentation de Jésus au Temple - 2 février 2022

Je vous propose ma méditation du rapport entre Jésus et le Temple en partant de la fin : le rideau se déchire, puisque désormais toute chair sera investie de la présence de l’Esprit de Dieu, de l’Esprit Saint. Le temple, désormais, c’est MOI : mon corps, et toute ma personnalité, ce corps qui permet à la vie qui est en moi de prendre forme, de grandir, de s’individualiser, de faire l’expérience de l’existence : alors je peux relire la présence de Jésus au sein de ce Temple-là.

Jésus est présenté au Temple. L’image du vieillard tenant l’enfant dans ses bras ne nous parle-t-elle pas ? Contemplons-là. Les deux extrémités de la vie, dans leur fragilité respective, qui s’embrassent et se reconnaissent. Un vieillard qui ne finit pas méchant et aigri, mais qui prend, plein de reconnaissance et d’émotion, la vie naissante qui a besoin d’être protégée pour croître.

Et moi, comment est-ce que je prends soin de la vie, fragile, quel que soit mon âge qui est en moi ? Car demeure en chacun de nous l’enfant qui aspire à la vie. Comment est-ce que je le porte avec émotion, reconnaissance. C’est en reconnaissant en moi cette vie qui demande attention que je pourrai sans doute au mieux être attentif à celle de mon prochain. A la reconnaître. J’aimerai tellement pouvoir saisir dans ces gestes du quotidien la prophétie de la présence de mon Dieu. (la mère avec l’enfant, les enfants qui jouent, les fiancés qui s’enlacent, le conjoint âgé qui prend l’autre par la main, les soignants, mon voisin de banc qui m’a souri et salué en s’installant etc..) Avons-nous conscience de la beauté de Dieu qui peut se laisser voir dans ces gestes si quotidiens ?

Jésus Adolescent s’arrête dans le Temple. Le voilà qui dialogue avec les Docteurs et les Scribes. Il prend ses distances avec Marie et Joseph. Il devient l’homme qu’il sera, il prend conscience de qui il est, de sa filiation. Il questionne, il écoute ; lui-même donne son avis. Quelle est l’autorité qui fait grandir sa vie (parents, docteurs, son Père ?) Il a besoin d’écart, de ne plus être simplement le membre d’une famille, mais de devenir lui-même, une personne.

Comment est-ce que j’accepte le dialogue avec Lui en moi ? Ses questions ? Comment est-ce que j’accepte qu’il grandisse et s’affermisse en moi. Qu’il m’aide moi-même à être qui je suis en devenant mon compagnon de route.

Jésus chasse les vendeurs du Temple. Colère devant tout ce qui a pénétré ici et qui profane l’espace sacré d’une présence magnifique. Tout ce qui a détourné la vie vers de la transaction, du commerce, du profit. La vie qui était censée être servie, restaurée, honorée, fêtée, célébrée, dans cet espace, cette Vie n’est plus qu’un prétexte. Où est le don, l’accueil, la gratuité, le partage, la reconnaissance lorsqu’il n’est plus question que d’échange, de marchandisation, de gains, d’échanges.

Seigneur, ce n’est que par amour d’une présence que je désire vraiment que je peux chasser ce qui encombre, voire souille le temple que je suis. Donne-moi l’amour de Toi.

Jésus prophétise la destruction et la reconstruction du Temple en trois jours.

Je sais que ce temple passe. Il vieillit, il finira. Il ne portera plus ma vie. Jésus me demande d’entrer dans la confiance : « détruisez-le, en trois jours je le rebâtirai » ! Ne cherche pas comment ce sera. Fais confiance. Ta vie est autre chose que de la chair. Elle est présence, expérience unique de tout ce que tu as vécu.

Accepte de renaître en Dieu. Et ne fais pas partie de ceux qui se sont moqués déjà à l’époque et qui se moquent encore. La vie est un mystère plus grand que tes doutes ou certitudes.

L’offrande extérieure (la religion) ou l’offrande intérieur (la vie spirituelle) (« un couple de tourterelles ou deux petites colombes » ou comme le dit l’épitre aux Hébreux : « Tu m’as fait un corps alors j’ai : voici, je viens.)

La seule offrande désormais : moi-même. La vie est offrande (semence, croissance, don et renaissance = fécondité). N’est-ce pas là l’essence même de la vie consacrée. Que nous fêtons aussi aujourd’hui.

vendredi 14 janvier 2022

EAP : Éléments de compte-rendu et propositions d’actions suite à notre temps d’échanges sur le rapport de la CIASE du 18 novembre 2021

Nous avons envoyé un compte-rendu de notre réunion à la trentaine de participants réunis le 18 novembre dernier. Cette réunion a été animée par Pierre-Yves Péguy, Mireille Collet et Joseph Sabbagh.

Nous reprendrons en seconde partie de ce document les principaux points.

Depuis, nous en avons discuté en trinôme délégué par l’EAP : Florence Bourgarel, François Jeanjean et Joseph Sabbagh le 6 décembre dernier.

 

Intention de l’Equipe d'Animation Pastorale

Notre objectif était de trouver une unité entre plusieurs actions en cours ou à venir dans notre paroisse, de communiquer dessus afin de permettre au plus grand nombre d’y contribuer.

Les principales actions que nous voulons relier sont :

I. Le forum paroissial « Marcher ensemble », prévu le samedi 22 janvier 2022 et REPORTÉ AU SAMEDI 7 MAI DE 9H30 A 12H30. Une invitation détaillée pour ce forum vous sera adressée. Il devra permettre

o   de faire un point d’avancement sur la mise en œuvre de notre organisation

o   de mieux connaître ce qui se vit dans notre paroisse

o   de faire le point sur le résultat de notre démarche synodale en paroisse

II. La prolongation concrète, par un agir ensemble, de notre réunion sur la CIASE du 18 novembre dernier. Nous inviterons les représentants des pôles, concernés par ces actions, à y participer

III. L’inscription de ces actions CIASE (voire d’autres qui émergeraient) dans la démarche paroissiale sur la synodalité, en créant des groupes de travail s’appuyant sur la méthodologie proposée par le diocèse https://lyon.catholique.fr/actualites/synode2023/2021/11/12/synode-2023-une-equipe-diocesaine-a-votre-ecoute/

o   Kit 1 : Démarche appréciative (De la vie et des projets dans notre paroisse)[1]

o   Kit 2 : Après le rapport de la CIASE (Commission indépendante sur les abus sexuels en Église)

o   Kit 3 : Pour une Église « Peuple de Dieu » (Riche de la diversité de toutes les baptisées et de tous les baptisés)

o   Kit 4 : Rêver une Église pour demain (Ce que j’en vois aujourd’hui, ce que j’en espère pour demain)

De beaux et grands chantiers s'ouvrent à nous.

Soyons nombreux à y contribuer et à appeler d'autres à le faire aussi.

 

Éléments de compte-rendu du 18/11/2021

I. Situer la question

·       Nous avons commencé par quelques présentations individuelles courtes en tentant de répondre à : Pourquoi je suis là ce soir ? Ce que j’en attends ?

Quelques Verbatim 

o   Je suis saisie par le courage des victimes et la qualité du rapport Sauvé. Je me sens complice, voire coupable, de ce silence. Je suis là pour passer de la culpabilité à l’action

o   Je souhaite entrer dans une démarche synodale pour que nous puissions nous concerter

o   Aller de l’avant è Comment redémarrer l’Église ?

o   Qu’est-ce qu’on attend de nous ? Que peut-on faire ? C’est important d’agir

o   Voir quelles sont les décisions prises pour agir

o   Discuter en paroisse. Nous sommes membres de l’Église. Nous avons à agir et à soutenir nos prêtres

o   C’est un poids énorme ! Les témoignages sont accablants. Il faut s’y arrêter car cela a détruit des vies

o   Notre Église est malade. Il faut la reconstruire

o   45 recommandations ! que ferons-nous de tout ça ? Ce n’est pas clair

     

·       Un exposé court a été donné par Pierre-Yves Péguy sur les grandes lignes du rapport, la méthodologie utilisée, les résultats quantitatifs et qualitatifs

·       S’en est suivi une présentation des 45 préconisations par Mireille Collet, qui les a classées en : ce sur quoi nous pourrions agir et ce sur quoi il nous sera plus difficile d’agir

 

II. Qu’avons-nous retenu ?

A la question « Quelles préconisations/propositions/thématiques choisir pour les approfondir et agir en paroisse ? », les participants ont évoqué les thématiques suivantes[2] 

a- Conduire une réflexion et faire des recommandations qui permettraient de libérer le fonctionnement de l’Église en profondeur 

b- Travailler ensemble sur la manière de transmettre la foi. Passer en revue les expressions bibliques utilisées à mauvais escient pouvant ainsi encourager à cacher, manipuler …

c- Pouvoir et contre-pouvoir dans l’Église avec la déclinaison de ce que cela veut dire au niveau du diocèse et de la paroisse. Relire nos modes de fonctionnement, d’exercice du pouvoir, pour identifier les situations à risque dans notre paroisse 

d- Morale sexuelle de l’Église ou comment mettre un peu de bon sens dans tout ça pour concilier intelligemment quête spirituelle et quête charnelle 

e- Marquer le coup pendant le temps liturgique pour reconnaître la gravité/prendre la mesure de ce qui se passe, s’ouvrir à l’accueil de victimes et développer nos capacités d’écoute 

f- Rendre plus simple la lecture des 45 propositions de la CIASE pour en faciliter l’accès au plus grand nombre

Pour ces six thématiques, nous verrons, avec les sous-groupes à constituer, comment mieux les formuler, avec lequel des kits travailler et comment faire connaître l’information pour inviter plus de monde à participer.

Nous avons conclu notre réunion du 18/11 par un Notre Père chanté ensemble



[1] Le kit 1 « démarche appréciative » n’est pas prioritaire car nous considérons qu’avec la consultation de 2019 et les propositions formulées lors de la journée paroissiale « L’église en chantier » en janvier 2020, cette étape a été menée au sein de la paroisse. La visée ainsi que la mise en place de la nouvelle organisation découlent de toute cette démarche. Cependant, si des personnes souhaitent réfléchir sur ce sujet, c’est tout à fait possible et pourront se déclarer durant le forum du 22 janvier 2022.

[2] Certains des participants s’y sont déjà inscrits. Si l’une des thématiques ou d’autres vous intéressent, Merci de contacter l’un des animateurs de cette soirée pour vous faire connaître.

 

lundi 3 janvier 2022

Père Eric de Nattes : homélie du jour de Noël 2021

« Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître. »

C’est un évangéliste qui nous le dit : Dieu, personne ne l’a jamais vu ! Il faut que nous nous en souvenions toujours. Celui qui vous parle de Dieu, par quelle autorité en parle-t-il ? Puisque comme vous, comme moi, il ne l’a jamais vu. Qui sait ce que pourrait être la vie en plénitude, la vie en Dieu ?  Dieu est la quête de l’homme. Saint Jean s’explique donc dès le début de Son Évangile. S’il nous parle de Dieu, c’est par l’autorité de Jésus. Ce qu’il a vu faire à cet homme. Ce qu’il a entendu dire à cet homme lui permet de comprendre que Dieu a visité l’humanité. Qu’à la question quasi enfantine : si Dieu était parmi nous que ferait-il, que dirait-il ? Jean peut désormais répondre : il ferait et dirait ce que dit et fait Jésus. Si la Vie pouvait prendre notre forme que serait-elle : « Jésus ». Jésus : manifestation de la Vie elle-même pour les humains que nous sommes. Jean rend témoignage pour que nous ayons foi, nous aussi, et qu’ayant foi, la Vie nous soit donnée.

Permets Seigneur Dieu, que je ne parle jamais de Toi autrement que par l’Évangile, que par l’autorité de Jésus.

 

« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire. »

Le mouvement de la Vie, de Dieu lui-même est ce que l’homme ne fait pas d’instinct, et peut-être ne sait pas faire. L’éternel, l’infini, le non mesurable (la Vie en soi, la Vie elle-même) nous ne savons comment dire, se laisse circonscrire dans le petit, dans une forme passagère, dans le tout-petit : cet enfant-là, cet homme-là, à ce moment-là de l’histoire, dans ce lieu-là de l’univers.

Je te loue, je chante ta louange Seigneur, Toi le Dieu qui ne t’est pas laissé enfermer dans le plus grand, mais qui t’est laissé contenir par le plus petit, car tu es amour.

Beaucoup rêvent d’accomplir de grandes choses mais avec un cœur si racorni, un esprit si étroit, qu’ils deviennent si vite ridicules parce qu’ils se donnent en spectacle.

Et il y a ceux, tous ceux, la multitude de ceux qui font les petites choses avec un cœur immense, contenant tout l’amour qui est en eux. Ils ont compris que la vie est faite pour se donner. Ceux-là sont témoins de Dieu. Ils sont témoins de la Lumière comme le dit St Jean.

Merci Seigneur de me détourner d’être un « songe creux ». De ceux qui se donnent des allures de profondeur pour chercher Dieu toujours ailleurs, toujours dans le plus grand. Mets en moi la joie de te découvrir dans la vie elle-même.

 

« Le Verbe était la vraie lumière qui éclaire tout homme en venant dans le monde. »

Frères et sœurs beaucoup d’entre vous ont préparé au mieux les festivités pour que les convives soient heureux autour de la table. Et c’est bien, c’est bon. Dieu nous convie maintenant au signe si humble de sa table : ce pain et ce vin partagés pour dire que nous sommes de sa famille. De la famille de Dieu. Ses enfants chéris.

Vous savez bien que les mets les plus délicieux et les demeures les plus fastueuses ne remplaceront jamais un invisible, une lumière précisément qui est communion entre les convives. Le festin de la table ne sera rien s’il n’est pas le festin de la vie, si nos cœurs ne sont offerts et nos vies données comme un bon pain. Si nous n’offrons notre présence à l’autre. Soyez joyeux d’être aujourd’hui les bergers de la vie qui nous est confiée.

Père Eric de Nattes : homélie de la veillée de Noël (2021)

Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre a resplendi une lumière. Isaïe est lucide… Lassitude de ne pouvoir se projeter à plus de quelques semaines tant l’horizon est plus dans l’obscur que le clair. On ne va pas se développer ce soir la litanie des nuances de gris jusqu’au très sombre, de la pandémie qui n’en finit pas aux bruits de bottes aux frontières de l’Europe, en passant par les violences conjugales et les scandales dans l’Église ! Isaïe fait partie des personnes lucides mais il a une espérance : une grande lumière va se lever, elle va resplendir.

Mais, quand on le lit intégralement, on sent qu’il hésite. Un Messie qui va en imposer à tous ? Une forme de super-héros version Biblique qui va détruire les méchants, et faire régner la justice ? Mais comment ? En l’imposant à tous ? Mais ça, on connaît, ça s’appelle un dictateur. Parce qu’au départ c’est toujours pour le bien de tous… et on connaît déjà la fin ! On a déjà vécu l’histoire, pas la peine de la remettre en scène.

Ailleurs, Isaïe dit : ‘’non, en fait, on ne le reconnaîtra pas. On se moquera même de lui parce qu’il va prendre sur lui nos injustices, les porter humblement. L’amour ne peut pas arriver en super-héros. C’est infantile. On ne fait pas le bonheur des gens malgré eux. On leur indique un chemin et puis on les aime, parfois jusqu’au bout de nos forces.

Alors le signe de cette lumière ? Un enfant emmailloté, couché dans une mangeoire… la vie naissante, fragile, qui suscite le meilleur de nous-mêmes et dont nous devons prendre soin. Comprendrons-nous ? La vie fragile, donnée comme un trésor merveilleux entre nos mains de bergers pour la garder et la faire grandir ? Pas la vie dont je m’empare pour la piller, me l’approprier, la violenter.  Ce soir nous laisserons-nous toucher ? Une planète à qui n’en peut plus… des millions d’êtres humains qui n’arrivent pas à survivre… la vie fragile, dont il faut prendre soin.

Mais je regarde tout un peuple, une multitude qui a compris, mais qui ne fait pas de bruit ; qui essaie partout de rendre la vie à son mystère de fragilité et d’appel aux soins. Bénis soyez-vous, les humbles bergers, dans la nuit de Bethléem, dans tous les lieux si nombreux où l’on prend soin de la vie, le ciel et la terre chantent leur hymne pour vous ce soir. Vous êtes les fils et filles de Dieu comme l’enfant de Bethléem.

 

La barre qui meurtrissait l’épaule, le bâton du tyran, les voilà brisés ; les bottes qui frappaient le sol et les manteaux couverts de sang sont jetés au feu. Isaïe : nous sommes environ 700 ans avant la naissance de Jésus et l’Assyrie, puissance montante, menace Jérusalem. Jésus, lui, naît sous la domination de l’Empire Romain sur la Judée et le monde méditerranéen. Aujourd’hui, nous assistons à la diplomatie de la force à nos frontières européennes entre des puissances qui rêvent à nouveau d’Empires. C’est donc bien de toujours à toujours. Un monde sans cette violence endémique ? Entre États, entre groupes ethniques, entre bandes rivales, entre voisins, dans les fratries, au cœur du couple ? C’est possible ? Là encore, pas sans nous. Pas sans notre consentement, pas sans le changement effectif de chacun : dans le couple, la famille, le travail, dans la parole comme dans les gestes, dans le regard et dans le cœur. Une colère, une violence à éradiquer du fin fond de soi-même. Les tyrans sauront toujours tirer profit de nos colères, de nos frustrations et de nos désirs de vengeance pour continuer d’imposer le cercle immuable de la violence commise et subie.

Et pourtant, un peuple nombreux travaille, là encore, bien souvent dans le secret de petites structures pour apprendre la communication non-violente, l’écoute partagée. Et ils expérimentent et apprennent. Ils sont les « doux et humbles de cœur » du Royaume.

 

Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné : conseiller merveilleux, prince de la paix… mais ce n’est qu’un bébé ! Bien sûr, puisqu’il a tous les visages de la vie qui réclame qu’on prenne soin d’elle. Et l’Évangile prétend que ce signe est universel : « pour tout le peuple ! ». Et en effet, entre celui qui professe la foi et se tient du côté de la domination et celui qui dit ne pas avoir foi mais se tient près de la vie fragile… qui est aux côtés de l’enfant de Bethléem ?

Un peuple nombreux chemine, là-encore, hors des ténèbres du « toujours plus » et de la domination, pour penser d’autres systèmes de gouvernance, d’autres manières de consommer et pour vivre une joie véritable hors d’une consommation qui n’arrive plus à se réguler, d’une accumulation qui serait risible si elle n’était pas mortifère.

 

Alors ce soir, faisons la fête, car il faut savoir être dans l’abondance et même parfois l’excès pour goûter aussi la sobriété heureuse du partage de nos présences. Vous le savez bien, que seraient les mets les plus raffinés si nous ne voulions pas donner qui nous sommes pour la joie aussi des convives, si nous refusons de nous donner nous-mêmes ?

Alors regardons une fois encore l’enfant couché dans la mangeoire et né à Bethléem (la maison du pain étymologiquement), lui dont la vie se fera nourriture, ce que nous allons fêter dans le signe humble et joyeux du pain et du vin, de l’eucharistie.

Joyeux Noël !