Être là ! par P. Christian Blanc, Assomptionniste, le 05/02/2014
Par
contre, huit jours après, dans des circonstances tout à fait identiques,
premier jour de la semaine et disciples rassemblés, Thomas fut visité à son
tour et invité à satisfaire sa demande. L’exigence alors de « voir » et de «
toucher » ne lui paraît plus nécessaire. Plutôt que ce geste dont on fait
faussement état (Jean 20, 27-28), il croit au-delà de ce qui avait été déclaré jusque-là.
Il reconnaît comme ses condisciples que Jésus est Seigneur, mais, portant
encore plus loin la confession de foi, il confesse que ce Jésus est Dieu (Jean
20, 28). La pleine foi a pris au cœur de ce disciple, le soir du premier jour
de la semaine quand, à la communauté rassemblée, Jésus le crucifié s’est donné
à voir ressuscité, comme il l’avait fait huit jours auparavant et comme
dorénavant il le fera à chaque rassemblement lorsque les disciples se réuniront
pour faire « sa communauté ».
Pensez-vous
qu’il y ait d’autres raisons pour motiver le rassemblement eucharistique
dominical ? Pensez-vous qu’il ne soit pas nécessaire, pour vivre du Ressuscité,
d’être ensemble rassemblé afin qu’il « se donne à voir » ? Le dimanche n’est
pas seulement le jour, où toutes affaires cessantes, on se repose et se détend.
Il est le moment par excellence où le Ressuscité, rassemblant ses disciples,
refait les liens de la communauté, reconstitue leur fraternité en leur donnant
sa paix. (Jn 20, 19. 21. 26.) Au cours du temps, on a fait de la « messe », ne
le fait-on pas encore trop souvent, une dévotion individuelle où l’on se
gardait bien de se tourner vers l’autre de crainte qu’il ne vienne distraire
son propre quant-à-soi. Mais est-ce la bonne façon de célébrer le Christ
ressuscité ? Le témoignage des uns doit éveiller les autres et la parole de foi
ne doit-elle pas circuler ? (Jean 20, 25) Thomas, qui n’était pas là dans
l’assemblée des disciples, ne pouvait croire au Christ ressuscité. Mais huit
jours après, présent à la communauté, il découvre à son tour la Nouvelle et
confesse la pleine foi. Quelque chose d’essentiel transparaît dans ce récit. Le
premier jour de la semaine, refaire, en mémoire de Lui, ce que le Christ a fait
lui-même, afin de le recevoir avec tout ce qu’il est, nécessite que chacun soit
présent à l’assemblée des frères. La communauté des disciples du Christ a
besoin de ces rendez-vous de la foi. Manquer ces rendez-vous, ce n’est pas
désobéir à un commandement, manquer à une obligation, c’est manquer à la
communauté. C’est priver la communauté de sa présence, de son partage, de son
avancée vers plus de foi commune, plus d’unité, plus de fraternité. Manquer la
messe le dimanche est une chose, mais manquer le rendez-vous de la communauté
en est une autre bien plus importante, car elle touche aux liens que le Christ
veut instaurer entre les personnes concrètes que nous sommes. L’absence touche
à la constitution de la communauté qui est le but de l’Eucharistie. Venir faire
eucharistie avec les frères et les sœurs en chemin comme moi c’est accepter de
former le Corps du Christ, où chacun trouve sa place en liant sa vie avec celle
des autres présents comme moi.
Une
opération qui dans la foi reste toujours à refaire pour ceux qui ont compris le
sens de l’Eucharistie, car celle-ci rassemble et « assemble » ceux qui la
célèbrent pour faire un corps vivant : Celui du Christ ressuscité. Venir à
l’Eucharistie : venir faire communauté ? Venir faire communauté : hors de cela,
y-a-t-il authentiquement eucharistie ? Thomas n’était pas là au premier
rassemblement mais la seconde fois, présent, il confessa la foi plénière : «
Mon Seigneur et mon Dieu ». Dans la communauté qu’il assemble, le Christ
ressuscité « ne se donne-t-il pas à voir ».
Être là avec les autres frères et se lier à eux concrètement dans la foi.
Faire
exister le Corps du Christ et recevoir sa paix.
Être
là.