lundi 25 avril 2022

Père Eric de Nattes : homélie du 2e dimanche de Pâques - année C

Jean 20, 19-31 Thomas

Maintenir les péchés, est-ce bien évangélique ? « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. » Observons d’abord que résurrection et don de l’Esprit sont un seul et même mouvement chez St Jean. Pas 50 jours d’écart comme dans les Actes des Apôtres. Le don de l’Esprit ne se fait pas attendre puisqu’il diffuse et répand la présence du Ressuscité, il l’universalise et il poursuit son œuvre au sein de sa communauté.

Pour comprendre ce verset du don de l’Esprit, il faut à mon avis changer notre ‘’logiciel’’ comme on dit, notre cadre mental, s’il est clérical, parce qu’alors il induit la question sous-jacente à cette matrice de pensée : « à qui le Seigneur a donné le ‘’pouvoir’’ de faire quoi ? » Si l’on est dans ce cadre mental, il peut être choquant pour nos consciences, de donner un tel pouvoir à quelques hommes faillibles qui peuvent en abuser ou simplement mal juger ; et l’on pense bien-sûr aux prêtres. Je n’entends pas, pour ma part, ce don du Seigneur comme un pouvoir donné à quelques-uns, mais comme une invitation pressante, voire une mise en garde, faite à toute sa communauté de frères et de sœurs désormais rassemblée en son nom, dans le dynamisme de l’Esprit Saint : l’Église. « Faites attention ! Vous êtes, chacun et tous ensemble, des pécheurs pardonnés. Et donc invités à répandre vous aussi la miséricorde que le Père a répandue sur vous. Si vous la retenez pour vos frères, n’espérez pas qu’elle soit ouverte pour vous. Remettez-vous vos péchés les uns aux autres. Sinon, n’oubliez pas : la mesure que vous utilisez pour les autres, sera celle qui servira pour vous. »

Thomas, mon frère jumeau dans son chemin de foi. Passer d’une foi transmise, héritée, témoignée à une foi personnelle. Thomas, celui qui résiste au groupe et qui rappelle que la foi demeure une libre adhésion. Tout Credo commence par ce mot : ‘’JE’’. Dans ce contexte liturgique, eucharistique du premier jour de la semaine (dimanche, donc) où la communauté est rassemblée. Thomas est invité à vivre la béatitude de la foi ; il est celui qui aimerait croire mais qui n’y parvient pas. Celui qui a besoin de passer du témoignage des autres à sa propre ‘’expérience’’ du Ressuscité et à pouvoir la dire avec ses propres mots : ‘’Mon Seigneur et mon Dieu’’. Cela, personne ne peut le faire à la place de quiconque. C’est bien ici que la foi est un don, au sens où elle n’est pas un cadeau que je peux faire à l’autre. Je ne peux que témoigner, inviter, et puis laisser l’autre cheminer. Nous n’avons pas prise sur cette intimité-là, entre Dieu et l’homme.

Avoir foi c’est vivre la Pâque c’est ‘’passer’’ : de la peur à la paix ; de la tristesse à la joie ; de l’incrédulité à l’adhésion. Dans ce récit, la foi a peu à voir avec une certitude ou une assurance. Elle ressemble bien plus à un chemin avec ses passages, ses pâques. Le récit peut laisser penser, un peu naïvement, que ces pâques sont définitives. Qu’une fois faites, il n’y a pas de retour possible. Il est vrai que certains croyants vivent une foi paisible et qui semble assurée. À vrai dire, j’en connais beaucoup plus pour qui la foi EST ce passage, cette pâque dans leur existence. C’est une position plus tendue, plus inconfortable, mais aussi combien vivante, dynamique et féconde. La foi devient alors cette tristesse surmontée, ce deuil surmonté, ce doute surmonté, pour retrouver l’adhésion à la vie pleine, la vie éternelle, la vie vivante. Thomas peut aussi être ce croyant qui se tient sur la crête entre doute et désir de confiance, d’avoir foi. Il n’est ni assuré de son athéisme, ni de sa foi, il est celui qui doit exprimer son doute, ses questions, les objections de sa raison, pour avoir accès à la foi qui est sollicitée en lui. Je repense au très bel oxymoron de Maître Eckhart parlant de la foi, de la condition du croyant, et finalement de l’homme : « Se tenir dans un passage ! ». Impossible et pourtant nécessaire. Nous sommes en exode, de passage, jamais installés dans quelque condition, certitude, assurance ou état que ce soit, mais avec cependant la vie renaissante comme horizon et l’amour évangélique comme balise.

mardi 19 avril 2022

Père Eric de Nattes : homélie de la Vigile Pascale 2022

 Vigile Pascale 2022 - Luc 24, 1-12

Trois moments dans ce récit d’une grande humilité, comme la fragilité d’un commencement.

1°) Ce premier jour de la semaine est le Grand Sabbat de la pâque. Il célèbre symboliquement l’achèvement de la création en Dieu. Une libération, mais laquelle ? Quel est donc cet achèvement d’une création en travail d’enfantement ? Nous sommes à la pointe de l’aurore, ce moment indécis où l’on pressent que la nuit va le céder à la clarté, mais rien ne semble encore joué.

Les femmes (je le souligne = la première annonce viendra d’elles) cheminent vers le tombeau (la mort) et elles n’y trouvent que le vide. Le chemin s’arrête là. Situation de deuil : absence du défunt. Pas de corps à embaumer, à pleurer, à pouvoir prendre encore dans ses bras. Quoi de plus humain que ce premier moment où la séparation nous trouve vides et désemparés. Tournés vers la terre qui a avalé la vie, vides de la présence, tournés vers le passé où semblent s’être figée la vie qui ne reviendra pas.

2°) Et il arriva : car que peut-il arriver de nouveau, la face comme penché à terre, dans un tombeau où la vie ne peut plus être, si ce n’est le manque qui se creuse, la douleur de la séparation, voire l’absurde de toute cette histoire, tant d’espoirs soulevés et d’amour donné pour en arriver là ! La grande interrogation de l’humanité. Le corps absent : qu’est-ce qui fait sens sinon la Parole remémorée ? Elle qui fait passage, pâques. Comment la première annonce retentit dans le cœur des femmes ? Voilà qui reste un mystère. Surgissement qui appelle déjà la renaissance, la vie qui sera suscitée à nouveau, re-suscitée, et que manifestent ces deux messagers éclatants de lumière. Mais cela demeure encore extérieur à elles. La résonance de la Parole ne prend pas encore chair en elles. Cela ne fait pas corps avec elles. C’est comme extérieur à elles. Mais elles sont troublées et doivent le répéter, le redire. Car elles pressentent qu’il y a là quelque chose de bouleversant, de nouveau, d’inouï, qui n’a pas encore été entendu.

C’est ici le premier moment, celui de l’annonce face à l’absence déroutante, douloureuse. Une annonce = La Parole qui réveille quelque chose d’enfoui. Mais on a du mal à y croire. Le chemin se fait pour l’instant répétition de l’annonce (c’est le troisième moment) mais toujours dans l’absence insensée, pesante. Et Pierre aussi va faire à son tour l’expérience de l’absence, du vide et d’une annonce qui est encore sans échos en lui. Dans le tombeau il n’y a plus rien à chercher, et surtout pas de vie. C’est dans la Parole que tout pourra renaître. Saint Jean le dira, il est la Parole de la vie.

3°) Sans doute faut-il entendre avec respect ce premier moment. Quelque chose s’éveille, qui relève du mystère et non de l’évidence ou de la preuve. Quelque chose qui déborde l’histoire et la transfigure, l’histoire de chaque vie et de la création tout entière peut-être. Quelque chose qui ne peut être entendu qu’au bord d’un rivage où l’on ne sait quelle pourrait bien être l’autre rive et le voyage pour y parvenir. Quelque chose qui ne fera plus revenir au tombeau et à l’expérience du vide, et qui s’ouvre à une Parole revenue à la mémoire renaissante.

Viendra l’expérience de la présence dans la distance, de la vie revenue, re-suscitée. Mais attendons. Ce sera Emmaüs. Alors la joie éclatera : Alléluia Christ est vivant, il est ressuscité !

vendredi 15 avril 2022

Père Eric de Nattes : homélie du Jeudi Saint 2022

Cène 2022

Trois défis en méditant cet évangile :

La fraternité : « Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. » Une dernière fois avant que les événements terribles ne les dispersent, Jésus réunit ses proches, ses amis, ceux qu’il a appelés, pour le dernier repas. La fraternité n’est pas une option dans le christianisme, elle est son cœur.

Elle se reçoit de Jésus lui-même. C’est Lui qui rassemble. Pas plus que les douze n’étaient une bande de copains qui se retrouvaient parce qu’ils se ressemblaient et s’aimaient bien, nous ne sommes en cet instant de sensibilités identiques et d’accord sur tout. Il y avait des zélotes qui voulaient une révolte armée, des publicains qui prélevaient l’impôt pour l’envahisseur, des personnes proches des pharisiens, d’autres du mouvement baptiste. Dès le début, le rassemblement autour de Jésus éprouve chacun dans sa capacité à accueillir l’autre qui est aussi appelé, et pourtant si différent de moi. L’aimer, cela ne veut pas dire en faire un copain, mais beaucoup plus… quelqu’un dont je veux qu’il vive, qu’il entende la Parole, qu’il accueille sa liberté en Christ et que nous devenions frères. À vues humaines : un vrai défi !

Ce défi est le grand défi de notre monde qui voit les communautés s’éloigner les unes des autres comme les galaxies dans un cosmos vide et sans vie, le défi d’un libéralisme égoïste qui nous individualise de plus en plus jusqu’à nous isoler. Les chrétiens que nous sommes sauront-ils affronter le défi de la fraternité, comment, pour témoigner au monde que cette exigence est celle de la vie elle-même ?

Renoncer à la domination : « Au cours du repas, le cœur déjà envahi par la haine, Judas ayant décidé de livrer Jésus, ce dernier se leva, déposa son vêtement et remis un tablier et lava les pieds de ses disciples. »

La fraternité qui se reçoit de Jésus, se reçoit par le bas, si je peux le dire ainsi. Judas qui trahit, comme Pierre qui renie ainsi que tous ceux qui s’enfuiront, mais aussi le disciple bien-aimé, tous auront les pieds lavés par le Seigneur. Comprenons-nous ce que cela veut dire, nous demande Jésus ? Ce geste, il n’a cessé de le faire tout au long de sa vie publique. Il s’est invité chez Zachée le collabo, il a accepté l’onction de la prostituée, il a mangé chez les pécheurs, il est descendu à terre avec la femme adultère, il a placé l’enfant repoussé au centre, il a touché le lépreux repoussant et rejeté… À l’heure où Jésus retourne vers le Père, une dernière fois, il le leur redit par un geste : si vous n’accueillez pas la vie que le Père vous donne dans la fragilité qui est la vôtre, les blessures qui sont les vôtres, la petitesse qui est vôtre, alors vous n’entrerez pas dans le Royaume. Vous continuerez de rêver de grandeur, de revanche, de domination. Ne nous prenons pas par le haut, en surplomb.

À l’heure où les empires veulent se reconstituer par les armes, où des discours de domination peuvent utiliser la sémantique religieuse, les chrétiens sauront-ils, comme ils l’ont fait face à la puissance de l’empire de Rome, redire leur foi en la vie donnée et à sa victoire par la résurrection ? Le défi de l’évangile n’a pas pris une ride.

La frugalité heureuse : « La nuit où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain… puis la coupe : mon corps, mon sang ! » Les mots de Paul, sans doute la première attestation de l’eucharistie, avant même que les évangiles soient rédigés.

Comme j’aime ce signe de la vie qui se donne en partage. Le pain qui nourrit : tout à la fois donné par la céréale, fruit de la terre, et cultivée par l’homme pour en faire tous les pains croustillants et délicieux qui sont sur nos tables. Le vin qui réjouit, signe de la fête, de l’abondance, donné dans le fruit de la vigne, mais vinifié savamment par l’homme pour en faire un vrai nectar. ‘’Mon corps, mon sang’’. La dernière Cène : le repas total, le repas ultime. Où le partage de la nourriture devient aussi le don de nos présences les uns aux autres, et le don de la Vie elle-même qui traverse chacun de nous et nous relie les uns aux autres, la vie donnée par le Père dans le Fils qu’il a envoyé, tant il a aimé ce monde. Oh Seigneur, que nous aimerions être, par notre présence, les uns pour les autres, comme Toi, un pain nourrissant qui rassasie, et un vin savoureux qui fait passer de la tristesse à la joie, dans une communion de chacun en tous. Est-ce cela, le Royaume ?

À l’heure où notre planète est à bout de souffle, pillée par une économie prédatrice, les chrétiens sauront-ils vivre, au plus concret de leurs vies, ce que l’eucharistie signifie d’une vie heureuse et simple, qui ne cherche pas à remplir le vide… celui qu’aucune chose ne peut combler. Mais une vie ajustée au monde, à l’environnement qui nous porte… encore… mais pour combien de temps ? Une vie qui se reçoit dans la relation, dans l’amour donné et reçu.

Seigneur, fais-nous devenir eucharistique, comme Toi, portés en offrande agréable au Père.

jeudi 7 avril 2022

2022 POUR QUOI VOTER : Les questions de 7 associations et mouvements chrétiens lyonnais

Nous sommes appelés à voter pour l’élection du président de la République en avril et des députés en juin.

Mais la guerre fait rage en Europe avec l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes, la pandémie de COVID n’est pas terminée et le réchauffement climatique continue à menacer notre planète.

Sept associations et mouvements chrétiens lyonnais engagés dans la société, proposent à tous de s’interroger et d’interroger les candidats autour de six questions importantes :

- Quel accès aux besoins essentiels pour tous ?

- La transition écologique est-elle à la hauteur de l’enjeu climatique ?

- Quel refus du repli national et la xénophobie ?

- Quel accueil des migrants ?

- Comment s’appuyer sur l’Union européenne ?

- Quels progrès pour notre démocratie ?

Attachés à la recherche du bien commun, permettant l’épanouissement de tous, nous voulons favoriser la « fraternité humaine, en sauvegardant la création et tout l’univers et en soutenant chaque personne, spécialement celles qui sont le plus dans le besoin et les plus pauvres » (déclaration du pape François et du grand iman d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayeb, 4/2/2019).

Des choix qui seront effectués dépendent les possibilités de répondre aux enjeux, et de renforcer le lien social.

Les associations et mouvements signataires sont : ACI territoire de Lyon, Antenne sociale de Lyon, CMR, CCFD, Rencontres de la Mirly, Lyon Cercle de silence, et Secours Catholique Rhône.

Bernadette Angleraud, présidente de l'Antenne sociale de Lyon, 

tél : 06 88 18 22 47 (antennesociale@wanadoo.fr)

Marie-Thérèse Briand, présidente de la Délégation du Rhône du secours Catholique, 

tél : 06 30 96 58 07, (rhone@secours-catholique.fr)