vendredi 4 mars 2022

Père Eric de Nattes : homélie du mercredi des Cendres 2022

Carême. Mercredi des cendres 2021.

Donner écho à :

1°) Le Prophète Joël : « Déchire ton cœur et non tes vêtements ».

Le vêtement/ le cœur ! Le vêtement : ce qui se voit et que tu choisis, ce qui va être regardé, et puis le cœur : ce qui fait battre la vie qui t’est donnée, qui ne se voit pas mais sans quoi aucun de tes vêtements n’a de signification, ce qui est présent en tous puisque c’est donné à chacun de tes frères. Le Père le donne au prodigue comme à l’aîné. Si l’indignation t’habite légitimement, souviens-toi que celle qui ne te coûte rien, ne vaut pas grand-chose. Alors, l’évangile selon Matthieu nous dit : « entre au plus secret, là où la vie se donne, là où le Père est présent et souffre avec toi de ce qui t’indigne, de voir ses enfants se faire la guerre… là, des chemins qui t’engagent vont s’ouvrir et ton indignation deviendra action pour ton frère. »

Entre dans ton cœur ! C’est le mot biblique. Descends en toi, le plus profondément possible, le plus loin ! En cet instant je pense à Madeleine Delbrêl qui dit : « Si tu vas au bout du monde, tu trouveras la trace de Dieu. Si tu vas au bout de toi, tu trouveras Dieu. » Ou Saint Augustin : « je t’ai cherché au-dehors, tu étais au-dedans. » En descendant bien-sûr, tu trouveras ton cœur déchiré, blessé, envahi aussi d’obscurité. Mais au cœur de ton désir éparpillé, blessé, ou cadenassé par la peur, tu le trouveras LUI ! Il te regarde, Il te cherche, Il t’implore de Lui ouvrir ton cœur : Il n’a que son amour crucifié et renaissant à te proposer. Et Lui sait que ton désir le plus profond, le plus authentique, est d’être aimé et d’aimer, même si tu n’y crois plus en cet instant, même si c’est la fatigue de vivre qui te submerge, ou la peur qui te paralyse.

 2°) Prie, jeûne et fais l’aumône. Dis-le autrement si ces mots ne te vont pas ! S’ils sont recouverts pour toi d’une affreuse patine de « dame patronnesse » qui « se penche » sur la misère du monde. Mais plonge plutôt dans la vérité de ce qu’ils signifient.

Prie : On ne t’invite pas à avoir des pensées sublimes ni à rédiger des poèmes mystiques ! On n’exige pas que tu n’oublies surtout personne dans ton intercession ! On ne te demande pas de te passer au crible de la morale pour voir si tu es en « conformité », tu ne le seras jamais et c’est tant mieux ! On ne te demande pas non plus de réciter et de rabâcher pour être certain que tu « as fait » tes prières ! Prier : un mot étonnant dont le sens vient d’un vieux mot : « precari » qui a donné aussi en français : « précarité ». Prier, reconnaître que la vie t’est donnée, que tu la reçois, et agir en conséquence, cela peut tout renouveler. Celui qui l’a fait et qui est devenu pour nous le Premier-né d’une multitude, c’est précisément Jésus. Celui qui s’est entièrement reçu du Père. Quelle révolution ! Pas la vie à prendre, à conquérir, mais à recevoir. Cela a remué l’humanité !

Jeûne : que serait ton bonheur à toi, sans le bonheur de l’autre ? Que serait une vie qui ne soit pas vraiment vivante, précisément parce qu’elle est partagée ? Pour le dire de manière évangélique, que serait une existence qui n’a pas connu l’amour ? C’est-à-dire la joie de recevoir un don qui n’est pas mérité et qui rend pourtant la vie à sa véritable intensité. Alors ne te dépouille pas pour jouer au pauvre. Ne manque pas pour manquer. Ne fais pas semblant d’être un ascète. Ça n’aurait aucun sens. C’est la joie de l’alliance que tu veux retrouver. Tu veux retrouver la liberté et la richesse sans fond qui sont donnés à un cœur aimé et aimant. Alors jeûne volontiers de tout ce qui t’occupe trop, voire de ce qui est devenu addictif et qui n’est plus qu’un substitut à la joie que tu désires. C’est si triste ! Il t’attend, comme l’eau jaillissante au fond du puits de la Samaritaine. Il est là, dans le secret. Tant que les mains sont pleines et le cœur repus, l’amour ne fait pas sens puisqu’il ne s’achète pas mais s’accueille comme un don. Tant que l’inquiétude ou la tristesse nous habite, que notre cœur est indisponible, tout amour pourrait hurler en nous ou autour de nous, nous ne le verrions même pas, ou pire, nous le trouverions encombrant !

Fais l’aumône : Et d’abord de ta présence, de « qui » tu es, de ta bienveillance, de ton sourire et de ta vie partagée. Tes aigreurs, tes ressentiments, essaie d’en faire le jeûne pour toi-même et pour les autres. Au fond, que ta vie devienne un peu plus celle du Père qui est en toi. Lui ne te donne pas des choses et des trucs qu’Il t’aurait refusé jusqu’à présent, Il « se » donne à toi, éternellement, là où tu es heureux, là où tu souffres, dans ta vie telle qu’elle est. Et Il t’engage à faire de même selon tes forces. La nuit de ton chemin pourra devenir lumière de midi. La joie pourra revenir.

 

Nous allons être marqués des cendres. Ce qui reste quand tout a été consumé. Ce qui marque un nouveau départ, une nouvelle germination, qui enrichit la terre renouvelée.

Quelqu’un va nous redire : « convertis-toi et crois à l’Évangile ». Très belle interpellation d’un frère, ou d’une sœur, qui l’entend pour lui-même, pour elle-même, cette invitation de son Dieu à renaître. Vois ton peuple Seigneur qui veut quitter la terre d’esclavage pour reprendre le chemin du Royaume. « Rends-moi la joie d’être sauvé, que l’Esprit généreux me soutienne ; Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange ! »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire