Carême. Mercredi des cendres 2021.
Donner écho à :
1°) Le Prophète Joël : « Déchire ton cœur et non tes vêtements ».
Le vêtement/ le cœur ! Le vêtement : ce qui se voit et que tu choisis, ce qui va être regardé, et puis le cœur : ce qui fait battre la vie qui t’est donnée, qui ne se voit pas mais sans quoi aucun de tes vêtements n’a de signification, ce qui est présent en tous puisque c’est donné à chacun de tes frères. Le Père le donne au prodigue comme à l’aîné. Si l’indignation t’habite légitimement, souviens-toi que celle qui ne te coûte rien, ne vaut pas grand-chose. Alors, l’évangile selon Matthieu nous dit : « entre au plus secret, là où la vie se donne, là où le Père est présent et souffre avec toi de ce qui t’indigne, de voir ses enfants se faire la guerre… là, des chemins qui t’engagent vont s’ouvrir et ton indignation deviendra action pour ton frère. »
Entre dans ton cœur ! C’est le mot biblique. Descends en toi, le plus profondément possible, le plus loin ! En cet instant je pense à Madeleine Delbrêl qui dit : « Si tu vas au bout du monde, tu trouveras la trace de Dieu. Si tu vas au bout de toi, tu trouveras Dieu. » Ou Saint Augustin : « je t’ai cherché au-dehors, tu étais au-dedans. » En descendant bien-sûr, tu trouveras ton cœur déchiré, blessé, envahi aussi d’obscurité. Mais au cœur de ton désir éparpillé, blessé, ou cadenassé par la peur, tu le trouveras LUI ! Il te regarde, Il te cherche, Il t’implore de Lui ouvrir ton cœur : Il n’a que son amour crucifié et renaissant à te proposer. Et Lui sait que ton désir le plus profond, le plus authentique, est d’être aimé et d’aimer, même si tu n’y crois plus en cet instant, même si c’est la fatigue de vivre qui te submerge, ou la peur qui te paralyse.
Prie : On ne t’invite
pas à avoir des pensées sublimes ni à rédiger des poèmes mystiques ! On
n’exige pas que tu n’oublies surtout personne dans ton intercession ! On
ne te demande pas de te passer au crible de la morale pour voir si tu es en « conformité »,
tu ne le seras jamais et c’est tant mieux ! On ne te demande pas non plus
de réciter et de rabâcher pour être certain que tu « as fait »
tes prières ! Prier : un mot étonnant dont le sens vient d’un vieux mot :
« precari » qui a donné aussi en français :
« précarité ». Prier, reconnaître que la vie t’est donnée, que tu la
reçois, et agir en conséquence, cela peut tout renouveler. Celui qui l’a fait
et qui est devenu pour nous le Premier-né d’une multitude, c’est précisément
Jésus. Celui qui s’est entièrement reçu du Père. Quelle révolution ! Pas la vie
à prendre, à conquérir, mais à recevoir. Cela a remué l’humanité !
Jeûne : que serait ton
bonheur à toi, sans le bonheur de l’autre ? Que serait une vie qui ne soit pas
vraiment vivante, précisément parce qu’elle est partagée ? Pour le dire de manière
évangélique, que serait une existence qui n’a pas connu l’amour ? C’est-à-dire
la joie de recevoir un don qui n’est pas mérité et qui rend pourtant la vie à sa
véritable intensité. Alors ne te dépouille pas pour jouer au pauvre. Ne manque
pas pour manquer. Ne fais pas semblant d’être un ascète. Ça n’aurait aucun
sens. C’est la joie de l’alliance que tu veux retrouver. Tu veux retrouver la
liberté et la richesse sans fond qui sont donnés à un cœur aimé et aimant.
Alors jeûne volontiers de tout ce qui t’occupe trop, voire de ce qui est devenu
addictif et qui n’est plus qu’un substitut à la joie que tu désires. C’est si
triste ! Il t’attend, comme l’eau jaillissante au fond du puits de la
Samaritaine. Il est là, dans le secret. Tant que les mains sont pleines et le cœur
repus, l’amour ne fait pas sens puisqu’il ne s’achète pas mais s’accueille
comme un don. Tant que l’inquiétude ou la tristesse nous habite, que notre cœur
est indisponible, tout amour pourrait hurler en nous ou autour de nous, nous ne
le verrions même pas, ou pire, nous le trouverions encombrant !
Fais
l’aumône : Et d’abord de ta présence, de « qui » tu es, de ta
bienveillance, de ton sourire et de ta vie partagée. Tes aigreurs, tes
ressentiments, essaie d’en faire le jeûne pour toi-même et pour les autres. Au
fond, que ta vie devienne un peu plus celle du Père qui est en toi. Lui ne te
donne pas des choses et des trucs qu’Il t’aurait refusé jusqu’à présent, Il « se »
donne à toi, éternellement, là où tu es heureux, là où tu souffres, dans ta vie
telle qu’elle est. Et Il t’engage à faire de même selon tes forces. La nuit de
ton chemin pourra devenir lumière de midi. La joie pourra revenir.
Nous allons être
marqués des cendres. Ce qui reste quand tout a été consumé. Ce qui marque un
nouveau départ, une nouvelle germination, qui enrichit la terre renouvelée.
Quelqu’un va nous
redire : « convertis-toi et crois à l’Évangile ». Très belle
interpellation d’un frère, ou d’une sœur, qui l’entend pour lui-même, pour
elle-même, cette invitation de son Dieu à renaître. Vois ton peuple Seigneur
qui veut quitter la terre d’esclavage pour reprendre le chemin du Royaume.
« Rends-moi la joie d’être sauvé, que l’Esprit généreux me soutienne ;
Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange ! »
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