dimanche 24 juillet 2022

Père Eric de Nattes : homélie du 17e dimanche du temps ordinaire - année C

Prier. 

Baptême d’Adriana au cours de la messe

« Seigneur, apprends-nous à prier. » Cette demande d’un disciple à Jésus, Paul la confirme lorsqu’il dit ‘’Nous ne savons pas prier comme il faut’’. S’il existe bien des écoles de prière, l’attitude fondamentale du priant en christianisme est d’abord de savoir qu’il ne sait pas prier. ‘’Savoir’’, cela signifierait que je connais mon interlocuteur, que je sais qui il est et ce que je peux lui demander et selon quelles stratégies. Alors Dieu n’est plus un mystère qui ouvre le chemin d’une quête, et la prière n’est plus une expérience qui m’éprouve (qui éprouve mon désir, ma fidélité, mon abandon ou consentement à la vie qui vient) mais une technique pour ‘obtenir’ ou pour me ‘sentir bien’. Seules les ‘esprits impurs’ dans les évangiles ‘savent’ qui est Dieu.

Seigneur, tu ne donnes pas de technique à tes disciples, mais une attitude de fond face au mystère de celui que tu nous apprends à nommer, Père, papa, dont le nom si familier, si proche, invite à l’abandon confiant et à l’ouverture du cœur pour recevoir, même, et surtout peut-être, l’inattendu, ce que nous n’avions pas demandé. 

« Et s’il ne se trouvait que dix justes, ferais-tu périr Sodome et Gomorrhe ? » Face à cette négociation très orientale, nous ne sommes pas à l’aise. Il faudrait prier Dieu ainsi ? Alors je rappelle le principe que j’ai tant de fois redit : c’est le Christ Jésus qui nous donne l’interprétation des Écritures et non l’inverse. Où avez-vous vu dans les évangiles que Dieu est présenté comme ce justicier qui détruit sans discernement l’inique et le juste ? C’est sa miséricorde qui scandalise, c’est sa bonté de Père qui ouvre un abîme, pas sa justice de justicier tellement humaine… trop humaine ! Ça, c’est l’indignation et la colère que ‘nous’, nous ressentons devant l’injustice et qui nous provoque à commettre le pire en devenant nous-mêmes ce qui nous révulse.

En l’état du récit, rien n’indique que le Seigneur va exterminer Sodome et Gomorrhe, encore moins qu’il ne fera aucune différence entre l’inique et le juste. Il veut savoir si la clameur qui monte est vraie. C’est Abraham, partant de ce qu’il sait des hommes et de leur manière d’user du pouvoir, qui intervient, effaré par ce qui risque de se produire. Moins qu’une négociation de marchands de tapis, on a là un récit, haut en couleur certes, mais de l’homme de Foi qui apprend à connaître son Dieu dans la prière, et qui découvre, rassuré, sa miséricorde. La vie du juste est infiniment plus précieuse aux yeux de ce Dieu qui se dévoile, que la punition de nombreux injustes. Lot et les siens seront d’ailleurs sauvés. La prière : lieu complexe où le désir de l’homme et la volonté du Père se rencontrent, l’une éduquant l’autre à la vie.

« De tout cœur, Seigneur, je te rends grâce. » Dieu est le Père du ciel (non pas pour marquer une distance infranchissable, tout au contraire) mais pour bien le démarquer de notre père de la terre, mais il n’est pas le ‘Père Noël’. On ne le ‘convoque’ pas  dans la prière pour en retirer quelque-chose. Et le psaume commence ici par la louange, l’action de grâce (merci) ; ce qui devrait être le mouvement de toute prière. Car s’il existe bien une différence entre le croyant et l’incroyant, c’est que le premier accueille sa vie comme reçue ou se recevant jour après jour de la surabondance du Père, de ce que l’on nomme son ‘’amour’’ pour nous. Ainsi, ne pas louer est l’indice d’un repli du don en nous, d’un étouffement de la source. Le Notre Père commence lui aussi par la louange confiante : que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite… Les demandes ne viennent qu’après. Entrer dans la louange, c’est à nouveau élargir l’espace de sa tente, autrement dit de son cœur, et goûter l’accueil de l’autre, sa visite, et la joie qu’on en retire. Rien ne m’est dû, tout m’est donné. ‘’Qu’as-tu donc ô homme, que tu n’aies reçu’’ dira St Paul.

« Combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint, à ceux qui le lui demandent. » Nous qui sommes ‘mauvais’, est-il dit, savons pourtant donner de bonnes choses à nos enfants… ‘’de bonnes choses’’ ! Combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint. Chacun conviendra qu’il ne s’agit pas d’une chose parmi d’autres. Car Dieu en donnant SE donne. L’Esprit n’est pas autre chose que Lui en nous, sa vie qui nous anime, son souffle qui fait de nous des vivants et pas seulement des créatures en vie.

En cet instant, c’est bien la demande que nous allons faire au Père pour Adriana, comme elle l’a été pour chacun de nous au jour de notre baptême. Seigneur regarde avec tendresse ses parents qui lui donnent de bonnes choses pour qu’elle grandisse et soit heureuse. Nous, nous venons te demander de lui donner ton Esprit Saint et de la garder dans ton souffle de vie.

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