mardi 30 août 2022

Père Eric de Nattes : homélie du 20e dimanche du temps ordinaire, année C

 Le Feu sur terre

‘’Venir apporter un feu sur la terre’’ n’est sans doute pas la parole que nous attendions en cette période assez terrible d’incendies qui ont ravagé des régions entières de notre pays au point de susciter l’entraide de voisins européens.

Laissons-nous porter cependant par l’image. C’est celle du Buisson Ardent qui m’est venue à l’esprit. Et non celle qui évoque la fin des temps et le feu purificateur qui va détruire ce qui n’est que paille dans l’aire à vanner, ainsi que Jean le Baptiste l’évoque dans sa prédication. Le Buisson Ardent, c’est le feu qui brûle sans consumer ! C’est bien alors l’énergie du feu qui est mise en valeur, lui qui réchauffe et transforme et renouvelle. Et s’il dévore, c’est le froid qui est en nous, ce qui meurt, pour le vivifier, lui redonner vie.

Comment ne pas associer alors cette image à ces ‘’langues qu’on eut dites de feu’’ posées sur les Apôtres au jour de Pentecôte, telles que décrites par le même Luc dans les Actes des Apôtres. On comprend, dès lors, qu’il puisse tarder au Seigneur que sa présence se répande sur toute chair et achève l’œuvre du Fils.

Quant au baptême, on comprend, là encore, qu’il ne s’agit pas tant du geste de l’eau purificatrice pour se préparer au jugement en se convertissant, telle que Jean le Baptiste le pratiquait, mais bien de la plongée autrement angoissante dans la profondeur du mal, des eaux sombres de la mort, en faisant confiance à la puissance de vie du Père. Double mouvement de l’angoisse et de la confiance si bien exprimé aux jours de la Passion : ‘’Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? En tes mains je remets mon esprit.’’

Cette dimension du baptême, aujourd’hui essentiellement vécue par des enfants, est difficile à développer auprès de parents qui confient leurs enfants à la ‘’protection’’ de Dieu, ainsi que la plupart l’expriment bien naturellement. Comment leur rappeler que le Père n’a pas protégé son ‘Unique’, son Bien-Aimé, du mystère de l’iniquité et du mal ? Qu’il a aimé ce monde dans sa contradiction et jusqu’aux profondeurs de la trahison et de l’injustice la plus aveugle. Qu’il s’est livré, dans le mouvement divin de la vie qui se donne, jusqu’au bout. Il faut avoir vécu, et parfois vécu l’angoisse et l’abandon, pour saisir un peu de la profondeur du chemin pascal du Christ. Sinon, on en reste plus ou moins aux divinités protectrices de toutes les religions naturelles à qui il faut offrir de bons sentiments et des sacrifices pour les influencer favorablement. On naît païen et l’on devient chrétien, sa vie durant. 

Est-ce pour cela aussi qu’adhérer au chemin du Christ, à la vérité qui s’en dessine et qui nous fait aller vers une vie renouvelée, peut provoquer de très fortes tensions, au sein même de nos plus proches ? L’histoire est faite de ces tensions. Combien de jeunes romaines, renouvelées par leur lien au Christ, ont payé de leur vie leur opposition à leurs patriciens de pères qui les auraient bien ‘’vendues’’, si l’on peut dire, à un de leur vieux confrères pour organiser un mariage juteux en termes d’influence et de profits. Aujourd’hui nous chantons leurs noms antiques dans nos litanies des saints sans vraiment réaliser ce que cela a signifié d’opposition et parfois jusqu’au sang.

Et Charles Louanga et ses compagnons en Ouganda au XIXème, et les 8000 martyrs de Corée encore au XIXème, et les 26 martyres crucifiés comme leur maître à Nagasaki au XVIème… etc etc, la liste est interminable et n’est toujours pas close ! C’est bien la paix que le Christ nous donne, mais SA paix, celle qu’il reçoit du Père et qui lui permet d’aller au bout. Non pas la paix toujours précaire selon le monde, celle où il y a souvent un vainqueur et un vaincu, celle qui cherche un équilibre des intérêts de chacun… Je ne les dévalorise pas - elles sont si difficiles à trouver - mais il en est une, peut-être plus profonde, à aller chercher au fond de soi, là où jaillit la vie donnée, celle du Père. Celle que donne son Fils. Une paix que ‘’le monde’’ ne peut donner, qui ne provient pas de ses logiques.

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