mardi 5 juillet 2022

P. Eric de Nattes : homélie du 3 juillet 2022

LA PAIX

« Je dirige vers Jérusalem la paix comme un fleuve… dans toute maison où vous entrerez dites d’abord : ‘’paix à cette maison’’… » Paul expérimente dans sa chair, dans tout son être à quel point il devient de plus en plus comme son maître, l’agneau de Dieu, Celui qui a donné la paix en étant livré, crucifié pour ce monde. Cela lui permet de dire : ‘’Pour tous ceux qui marchent selon cette règle de vie, paix et miséricorde’’. Toute la Parole de ce dimanche est comme un commentaire de la béatitude : ‘’Heureux les artisans de Paix, ils seront appelés Fils de Dieu !’’

‘’Les artisans de paix’’… car la paix est un travail : en nous et autour de nous ! Les ouvriers pour la moisson, celle du Royaume, de la paix qui se moissonne. C’est bien un travail puisque l’ouvrier mérite son salaire, dit l’Évangile.

Quel serait ce salaire ? ‘’Mangez et buvez ce que l’on vous donnera dans la maison qui vous accueillera’’. Le vrai salaire n’est-il pas d’être traité en frère ? Comme si la famille de Dieu naissait au sein de la famille humaine. Pas du copinage. C’est bon d’avoir des copains et des copines. Mais ici c’est autre chose. Comme un lien qui s’élargit du semblable au prochain. De celui qui me ressemble à celui qui me devient étonnamment proche d’une autre manière. Le Royaume en germe, qui s’approche…

C’est un travail de dépouillement : pas de sac, de sandales, de bourses… Comment arriver en artisans de paix, ‘’armés’’ de toute une stratégie de conquête… quand bien même elle serait pastorale ! La paix se reçoit vraiment entre gens démunis. Lorsque j’arrive avec mon coffre à trésors, l’autre, démuni, prend parce qu’il a faim. Mais ce n’est pas la paix. Lorsque j’attends d’être en position de force pour négocier, ce n’est pas la paix, au mieux une trêve dans la guerre (le traité de Versailles). Il va falloir faire la paix avec notre planète : elle est tellement démunie devant nos exigences ! Mais pour cela il va falloir que nous nous dépouillions aussi. Sinon, nous négocierons mais nous ne serons pas en paix avec elle. Le pape l’a dit, l’écologie est aussi spirituelle.

Comme pour confirmer qu’il s’agit d’un travail ingrat, Jésus ajoute, ‘’je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups’’. Il sait de quoi il parle, lui qui sera reconnu comme l’agneau de Dieu, celui qui donne la paix, totalement démuni devant notre violence, nous qui sommes armés d’instruments de tortures incroyables. En rédigeant cette homélie, avec Jérusalem en tête, je pensais à Bégin et Sadate… tous deux ont rejoint le destin de l’agneau immolé. L’Évangile dit-il cette terrible vérité : celui qui veut vraiment donner la paix, se rend compte qu’il donne sa vie en réalité ? Seigneur, nous te prions, si démunis, pour les artisans de paix qui semblent de plus en plus chassés de villages et villages, devant laisser jusqu’à la poussière de leurs sandales. 

La paix n’est plus seulement pour Jérusalem, pour Israël (l’envoi des 12 a déjà été fait), mais pour toutes les nations (envoi des 72). La tâche est sans fin. Elle se fait collectivement : il les envoie deux par deux. Comment pourrais-je donner la paix si je ne suis pas en paix avec un frère pour que nous la donnions ensemble. Ô Seigneur, nous t’implorons pour nos communautés. Sont-elles signes de paix ? Vivent-elles cette paix comme l’œuvre même de Dieu, du Père qui envoie le Fils et donne l’Esprit ? Fais descendre ta paix de nos esprits à nos cœurs, Seigneur. C’est entre les deux que la semence se perd dans les broussailles, les cailloux, les soucis et le soleil brûlant de nos vies. Alors nous parlons de la paix mais ne la vivons pas !

Priez le maître de la moisson. C’est la première des choses. Avant de vouloir vous mettre en route le cœur plein de bonnes intentions. Priez : entrez en vous-même et regardez si vous êtes en guerre ou en paix. Tournées-vous vers le Père qui est là dans le secret et accueillez sa paix. Comment donner ce qu’on n’a pas d’abord accueilli de l’autre ? La paix qui n’est pas une négociation vient de Lui.

Faire ce travail de paix en nous et autour de nous, c’est entrer dans le Royaume qu’il nous est demandé d’annoncer, entrer dans la vie de Dieu, dans sa relation de paix, désarmé, avec l’amour comme seul bagage.


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