Il y a la prière personnelle, frères et sœurs, celle qui nous met à l’écart. À l’écart du monde, de la foule, de la communauté et de nous-même ; nous-mêmes dans nos fonctions ou identités diverses. Jésus ne se retire-t-il pas régulièrement, laissant les disciples partir à sa recherche ? Qui est-il dans ce lien unique à son Père ? Jésus montre d’ailleurs du doigt ceux qui prient pour se montrer. Il conseille de se retirer au plus secret du secret, là où il n’y a plus que le mystère de la rencontre entre soi et le Père. C’est essentiel. Nous ne sommes pas ‘’du monde’’ dira St Jean. Nous sommes du Père et dans le monde.
Mais
il y a l’eucharistie, elle qui rassemble. Jésus
parlait aux foules.
Deux, comme à Emmaüs, les 12 ou 5000 comme ici dans cette anticipation étonnante.
Elle est d’une autre nature, elle est une action du Seigneur lui-même, du
Ressuscité qui déborde les lois du temps et de l’espace, au sein de sa
communauté. Dans la présence et la distance d’un signe, il se fait le mystérieux
interlocuteur sur la route de chacun, et le convive que l’on reconnaît au
moment même où il s’échappe à notre regard. L’eucharistie permet de faire anamnèse
(mémoire vivante) et de se ré-enraciner dans notre identité de disciple : ‘’Cœurs
lents à comprendre, à croire : rappelez-vous !’’
Quand je vous vois entrer dans l’Église, l’eucharistie est
déjà commencée. Le corps dispersé se rassemble pour l’action de grâce
communautaire. L’évangile de ce jour dit au début : Les foules suivirent Jésus. Or nous savons que ce verbe - suivre - est le premier qui
indique le fait d’être un disciple. Ce matin, vous êtes là pour exprimer par
votre déplacement, votre présence et votre écoute que vous êtes disciples. Et
ce n’est pas anodin que nous commencions notre fête paroissiale par ce
rassemblement-là. La fraternité qui vient de Lui !
Il
leur parlait du Royaume
: Une parole d’espérance est déjà nourriture. N’entendez-vous pas en écho nos
disciples d’Emmaüs qui écoutent la Parole et qui comprennent ensuite que leur cœur
était tout brûlant alors qu’il leur parlait de Lui dans les Écritures. Être
avec Jésus, l’écouter, le voir agir, c’est déjà le Royaume. Il ne s’agit pas d’un
conte de fée qui organise la fuite de ce monde dans un monde imaginaire. C’est
le récit de la vie, la vie à laquelle nous aspirons, la vie que nous voulons
vivre. Cela nous parle, résonne en nous. Et l’espérance qui naît devient levain
pour la vie présente car elle se met aussi à lever avec cette parole. Elle prend
de la densité, elle s’intensifie. Une parole qui nous rend meilleur puisqu’elle
nous donne envie de vivre et d’agir. Et cette parole on l’écoute en communauté :
2 à Emmaüs, 5000 nous dit-on ici. Elle est faite pour être partagée, pour en
parler, et pour écouter la parole, comme en écho, qu’elle suscite en nous.
Jésus
guérit ceux qui en avaient besoin. Relever la vie ! La libérer, la susciter à nouveau. Telle
est l’action concrète de Jésus pour signifier l’appel sur nos vies à être
re-suscitées ! Toujours et définitivement.
Le
jour commençait à baisser comme
à Emmaüs… la présence qui réchauffe va-t-elle se retirer ? Faudra-t-il se séparer
? Et la vie va-t-elle retomber ? La Parole dont on n’avait pas encore reconnu
qu’elle avait réchauffé les cœurs va-t-elle se refroidir et la vie se tasser à nouveau,
faute d’un levain qui n’a pas opéré ?
Renvoie
cette foule !
‘’ Il leur faut trouver des vivres.’’ Mais Jésus envoie ; il ne renvoie pas. ‘’Va
!’’ dit-il sans cesse… pas ‘’va-t-en !’’ Cela, il ne le dit qu’aux démons, pas à
l’humain. Jésus élargit l’horizon et indique un chemin, il ne condamne pas à l’errance
sans but ou au surplace.
Les 12 que Jésus avait envoyé en mission et qui étaient
revenus faire leur compte-rendu avant que les foules n’arrivent à nouveau vont
maintenant être déroutés. Donnez-leur
vous-mêmes à manger.
Qui a commencé à s’investir dans la charité concrète, l’aide aux plus démunis,
l’accueil des migrants, la lutte contre l’échec scolaire etc… (la liste est
infinie) a pu être saisi par la stupeur des 12 face à cette injonction : ‘’donnez-leur
vous-mêmes à manger ! La tâche est sans fond, on n’en voit jamais le bout. Et
le combat que l’on mène semble une goutte d’eau sitôt absorbée par le sable brûlant
d’un désert. Humanité tellement fragile ! Alors ici, entendons-bien les deux
niveaux de lecture. Ce que tu peux faire pour l’autre, soigner, soulager,
nourrir, libérer, rendre dignité, fais-le ! Mais sans culpabilité, pas en t’épuisant.
Fais-le comme une conséquence du premier niveau de lecture :
il y a une nourriture, une Parole, une présence, dont tu ne
pourras jamais être à l’origine et t’y substituer. Celle-là, tu la reçois
aussi. Elle t’est donnée dans tes pauvres mains et tu la donnes à qui en a besoin
pour se nourrir : de sens, de dignité, d’espérance, de vie ! Tu ne peux l’imposer,
mais juste la transmettre, en être témoin. Tu en es le relais.
Le
Seigneur prit les pains, leva les yeux au ciel, prononça la bénédiction, les
rompit et les donna…
Oh Seigneur, viens remplir nos mains du pain de ta présence, de ta joie de te
savoir vivant dans le Père, viens nous rassembler maintenant dans ton action de
grâce, Toi, le frère aîné de notre multitude. Et viens te multiplier en nous
pour que nous devenions bon pain pour nos frères et sœurs.
Amen. Alléluia !
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