jeudi 16 décembre 2021

Chantal Defélix : commentaire de l'Évangile du deuxième dimanche de l'Avent , année C

 Année 28 de notre ère. Le Jourdain coule comme il peut au milieu des cailloux, sous un soleil de plomb. Une longue file de gens attend son tour. On y reconnaît des collecteurs de taxes, des militaires, ce genre de personnes qu’on déteste pour leur collusion avec l’occupant romain. Ils viennent se faire baptiser par Jean, le fils de Zacharie.

Pourtant, il n’a rien qui attire, ce Jean : à moitié ermite, vêtu comme un sauvage, il crie que la fin du monde est imminente, avec son feu destructeur, et que la colère de Dieu va s’abattre sur les pécheurs de son peuple.  Dans la lignée des prophètes d’Israël, Jean est le dernier, le plus flamboyant.

Seulement voilà, il crie, mais en même temps il propose un moyen d’échapper au Jugement final : reconnaître ses péchés, s’engager à mener une vie nouvelle et meilleure, et plonger dans l’eau. Ce baptême anticipe, garantit en quelque sorte, symboliquement, le pardon que l’Esprit Saint accomplira au dernier jour, lorsqu’il sera répandu comme de l’eau, selon la promesse du prophète Joël.

Et s’ils sont si nombreux à se presser au bord du Jourdain, tous ces gens aux mains impures, c’est que le pardon leur est inaccessible. Il faudrait pour cela offrir un sacrifice au Temple de Jérusalem, mais comment accéder au Temple avec des mains impures ?

Jean, ce fils de prêtre, a rompu avec les traditions de son milieu et au désert, il prépare un avenir pour ceux qui n’en avaient pas.

Jésus ne serait pas advenu ce qu’il a été sans la rencontre de Jean. Le baptême au Jourdain sera le point de départ de sa vocation. Lui aussi prêchera la venue imminente du Royaume, lui aussi exhortera à se convertir, lui aussi annoncera un pardon à la portée de tous, moyennant la conversion du cœur. Mais ce ne sera plus la colère contre les pécheurs qui dominera, mais l’avènement d’un salut joyeux. Dieu ne sera plus seulement proche, il sera là ; et c’est un Dieu d’accueil et de miséricorde.

Alors, a-t-il quelque chose à nous dire, aujourd’hui, ce prédicateur de la fin des temps ?

Personnellement, je vois deux aspects de son activité ou de sa vie susceptibles de nous rejoindre en ce temps de l’Avent, alors que justement nous préparons notre cœur à une venue renouvelée de Dieu parmi nous.

Jean est une voix qui crie dans le désert. Apparemment, cette voix est destinée à se perdre dans le sable et le vent. Comme la nôtre, souvent, dans l’indifférence de notre société. On fait ce qu’on peut, on sème des graines d’Evangile, mais le dépit n’est pas loin : à quoi bon ? A quoi bon envoyer plus d’une centaine d’invitation à une rencontre d’éveil à la foi et n’obtenir que trois réponses ? A quoi bon mettre ses enfants sur le chemin de la foi et constater, une génération après, que ses petits-enfants ne sont même plus baptisés ? Pourtant, « tout être vivant verra le salut de Dieu » : c’est cela que criait Jean-Baptiste dans le désert de Judée. C’est cela que nous crions aujourd’hui dans une autre forme de désert. Cette parole est notre lumière et notre espérance. Jean Baptiste nous remet dans l’axe, celui du Christ qui vient. Il sait bien, lui, que le désert est le lieu de l’inattendu, de la rencontre vraie avec Dieu, et de la joie des pauvres.

Et puis, Jean a payé de sa vie son intrusion téméraire dans les affaires des puissants : il a péri de mort violente, victime d’Hérode Antipas, à qui il reprochait son inconduite. Il est mort avant de voir Jésus déployer sa mission. Lui qui pressentait la venue du Royaume, il ne l’a pas touchée. Lui qui annonçait un « plus fort que lui », il n’a pas le temps de le suivre. Alors je me dis qu’il peut être le compagnon de tous ceux et celles qui portent un rêve et ne le verront pas s’accomplir de leur vivant. Je pense à ma mère, emportée par un cancer et qui disait : ‘J’aurais tant voulu voir grandir mes petits-enfants’. Je pense à ces migrants qui font naufrage à quelques mètres de la côte. Je pense à mon rêve d’une Eglise différente, est-ce que je la verrai un jour ? Tous nos cris qui semblent perdus, ils sont le cri de Jean-Baptiste. Et sa mort n’a pas été la fin de son rêve. Jésus vient. « Tout homme verra le salut de Dieu ».

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