C’est la première fois, dans l’Évangile
de Jean, que Jésus monte vers Jérusalem. Contrairement aux autres évangiles où
Jésus va à Jérusalem une seule fois, pour y mourir. Jésus est au début de son
ministère public. Juste avant ce chapitre de l’Évangile de Jean, Jésus donne un
premier signe lors des Noces de Cana : il transforme l’eau en vin, donne
le bon vin aux convives en fin de repas, signifie le passage à du « nouveau »,
à une Nouvelle Alliance, une nouvelle saveur.
Le signe, chez Jean, est différent du
miracle. Il est considéré comme un geste symbolique qui invite les hommes et
les femmes à percevoir que Jésus est Fils de Dieu, qu’il est le Messie attendu.
Comme tout geste symbolique, cela demande une attention pour le comprendre, des
yeux ouverts pour le voir ou un cœur disponible pour le recevoir. Jean nous demande donc cette attention.
Jésus, donc, arrive à Jérusalem. Il
constate la présence dans le Temple, des marchands et des changeurs. Ils
vendent des bœufs, des brebis et pour les plus pauvres, des colombes, en vue
des sacrifices. On peut imaginer une grande activité, du monde qui vend et
achète. Les gens s’interpellent, peut-être. Ce qui me frappe, c’est qu’on ne dit pas
que Jésus est en colère, il ne crie pas. Il agit : il fabrique un fouet,
chasse les marchands, jette la monnaie des changeurs, renverse les comptoirs.
Les verbes d’action employés sont forts, violents, efficaces. On peut bien
l’imaginer. Une sainte colère en somme, qui vient arrêter quelque chose. Il agit avec autorité pour dire « NON »,
pour dire « ÇA SUFFIT ». Comme si l’essentiel a été oublié. Comme
si tout ce commerce qui est sur ce parvis encombre et fait oublier que là est
la maison de son Père qui aime et rend libre. On peut faire le lien avec le 1er
texte lu de l’Exode. « Je t’ai fait sortir de la maison d’esclavage »
et plus loin « « Tu n’auras pas d’autres dieux
en face de moi. Tu ne feras aucune idole ». Est-ce que toute cette activité
commerciale n’est pas un esclavage, ces animaux, des idoles ? Est-ce que
ce n’est pas contraire à la Loi de son Père ? Loi de son Père qui est
chemin de liberté.
Comme un décalage contre lequel
Jésus réagit avec autorité. Il vient, là aussi, renouveler, aider à passer de
la maison d’esclavage à la liberté, en désencombrant, en chassant ce qui
empêche d’être en relation avec son Père.
Nous sommes au milieu du
Carême. En lisant ce passage, on peut se poser la question chacun :
qu’est-ce qui m’encombre dans mon quotidien ; qui me rend esclave,
dépendant et dont j’ai à me libérer ; qu’est-ce qui perturbe mon
attention, rumine en moi qui me détourne de moi-même et de l’autre ?
Qu’est-ce qui pourrait me rendre plus vivant, plus en paix ? Quelles sont
les images de Dieu dont j’ai à me défaire pour que je sois disponible pour
l’accueillir, accueillir pleinement le don de la Vie ?
Si on revient au texte, les
juifs présents demandent un signe pour expliquer son attitude. Ils ont besoin
d’une explication, d’une preuve. Il répond « détruisez ce
sanctuaire et en 3 jours, je le relèverai » ; personne ne comprend ce
qu’il veut dire. Rebâtir un monument en 3 jours, impossible ! Les
disciples non plus ne comprennent pas. Ils comprendront bien plus tard, en
relisant ce qu’ils ont vécu avec le Christ, qu’il parlait de sa mort et de sa
résurrection. Jésus parle de son corps qui
est « sanctuaire », c’est-à-dire un lieu saint, mis à part pour une
fonction spirituelle.
Ce lieu saint est donc le corps
du Christ lui-même. Ce lieu saint qui par sa mort et sa résurrection nous
montre que la Vie et l’Amour sont plus forts que la mort. Qu’en acceptant
d’être avec son Père, il nous montre le Chemin pour quitter ce qui nous
encombre, le mortifère pour aller vers plus de Paix, de Vivant. Car le Christ,
comme le dit Saint Paul, est puissance de Dieu et sagesse de Dieu.
Alors soyons à l’écoute des
signes que Dieu nous adresse dans notre quotidien, en lisant la Parole, en
priant, comme nous dit le Christ dans Matthieu : « Mais toi,
quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et
prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le
secret te le rendra ».